Résumé officielAgathe et Isaïah officient comme exorcistes. L’une a les pouvoirs, l’autre les connaissances ; tous deux forment un redoutable duo. Une annonce sur le réseau social des sorciers retient leur attention. Un confrère retraité y affirme qu’un esprit nocturne hante le domaine d’une commune côtière de Bretagne et qu’il faut l’en déloger. Rien que de très banal. Tout laisse donc à penser que l’affaire sera vite expédiée. Cependant, lorsque les deux exorcistes débarquent sur la côte bretonne, le cas se révèle plus épineux que prévu. Une étrange malédiction, vieille de plusieurs générations, pèse sur le domaine de Ker ar Bran, son phare et son manoir. Pour comprendre et conjurer les origines du Mal, il leur faudra ébranler le mutisme des locaux et creuser dans un passé que certains aimeraient bien garder enfoui… Mon avisLe résumé donne le ton d’un roman qui tient toutes ses promesses : malédiction, fantôme, superstitions, complications et mystères à foison. Nous débarquons dans l’aventure aux côtés d’Agathe, la narratrice, et d’Isaïah, son meilleur ami de choc. Ils sont exorcistes ; elle voit les fantômes, lui les exorcise grâce à sa maîtrise du hoodoo. Pourtant c’est bien un détail terre à terre qui va lancer l’histoire : une chaudière en panne dont il faut payer la réparation avant l’hiver. Qui dit facture dit intervention. Ça tombe bien, une affaire dont la difficulté est de 3 sur 5 – donc tout à fait gérable – est portée à leur connaissance. Pas le choix, s’ils ne veulent pas se geler à l’arrivée du froid, il leur faut partir dans ce village paumé de Bretagne. Sur place, Isaïah retrouve un vieil ami, Gaël, devenu maire de la commune (fictive) de Landrez, et qui les introduit auprès du couple ayant récemment acheté Ker ar Bran, beau domaine en bord de falaise, surplombé par son phare éteint depuis des décennies. Eux n’ont pas de problème de chaudière – ils préféreraient – mais de fantôme. Seulement, l’exorcisme qui devait se dérouler sans accroc se complique car les esprits ne sont pas la seule chose à hanter Ker ar Bran. Parfois, les vivants portent plus de secrets que les morts, en particulier dans un petit village où tout le monde connaît tout le monde et où la vie de chacun est intrinsèquement liée à celle des autres. Quand tout ça se percute, ça donne naissance à des vagues scélérates. Les personnagesAgathe est une jeune femme touchante qui a connu le rejet à cause de son don et de sa bisexualité, avant de trouver un peu de paix dans la famille d’Isaïah, lignée descendante des sorciers de Louisiane. Mais Agathe ne se sent à sa place nulle part car elle est incomplète, comme son don, et se sent illégitime. Ça ne l’empêche pourtant pas de se donner à fond dans chacune de ses missions. Un peu trop, parfois. Malgré tout, ce manque l’affecte plus qu’elle ne veut l’avouer. Si elle le nie, c’est pour le minimiser, d’une certaine manière, afin d’avancer coûte que coûte puisqu’il le faut, sans vraiment avoir conscience qu’elle rame contre vent debout parce qu’il lui manque certaines clés de sa vie sans lesquelles elle ne progressera jamais. Son arrivée à Ker ar Bran va la chambouler – pour ne pas dire bouleverser – car il s’y trouve des réponses à quelques uns de ses doutes. Isaïah, quant à lui, nous apparaît au travers du regard d’Agathe puisque la narration est de son point de vue. On découvre à travers elle un jeune homme au charme hypnotique, intelligent, sûr de lui, et sa présence apaisante est une ancre tant pour Agathe que pour le lecteur. Le savoir là nous rassure, et c’est l’image de lui que je garde même après ma lecture. Un petit mot, aussi, sur Gaël, maire et ancien camarade d’Isaïah, qui s’estime responsable de la déferlante qui ébranle Ker ar Bran et Landrez. Même s’il ne connaît rien à la magie, il répond présent pour aider le duo malgré un trouillomètre souvent à zéro. Rien ne parvient à altérer sa détermination à réparer son « erreur » – et à rester en vie, accessoirement. Ker ar Bran, parlons-en. Sous la plume maîtrisée de l’autrice, le domaine devient un personnage à part entière avec son caractère, ses particularités ainsi que son passé tellement complexe qu’il est abordé à travers trois temporalités. On apprend à le connaître au fil des pages et de trois époques et on le découvre finalement autant bourreau que victime, celui qui aimante certains humains pour subir ensuite leurs rêves, leurs espoirs et leurs regrets. Parce que c’est un personnage important et fort, il crée une atmosphère tantôt oppressante digne d’un huis clos, tantôt poétique, presque féerique. D’ailleurs il y a un peu de féerie folklorique dans ce roman – pas celle guimauvisée de Disney –, dans le sens d’un monde cruel qui vous attire inexorablement et vous épuise jusqu’à la mort. Fantômes et sorcièresLe Phare au Corbeau est certes un roman de fantômes mais, même si j’ai ressenti l'angoisse d’Agathe aux moments les plus critiques, je n’ai pas eu peur. Ici, l’intention de l’autrice n’est semble-t-il pas d’effrayer le lecteur en traitant les spectres comme des revenants déshumanisés, au contraire. On peut même dire qu’ils sont la cristallisation de certains morceaux de l’âme. Ainsi le fantôme n’est pas une créature cauchemardesque mais presque un reflet disloqué sur un miroir brisé. De même, le thème de la sorcière fait moins référence à la figure folklorique qu’à la méfiance que les femmes libres-penseuses, cultivées et avides d’indépendance suscitaient – suscitent encore ? – chez les populations obnubilées par la normalité, les traditions et le respect de l’ordre sociétal établi. C’est bien connu : une femme dont l’ambition n’est pas de materner son époux et d’enfanter ne mérite que la vindicte populaire... Les thèmes de la différence, du rejet et de l'acceptation de soi, de sa place dans le monde et dans la vie des autres, reviennent au long du roman, créant un fil rouge à travers les époques. Je craignais, en commençant ce récit, une intrigue trop linaire et à certains égards prévisible. Heureusement il n'en a rien été. Même si j'ai deviné certaines pistes, le cheminement et l'arrivée m'ont surprise par les réflexions intéressantes soulevées. J'ai aussi aimé le déroulé de l'exorcisme, à la fois compliqué et simple, qui a finalement demandé plus de cœur que de magie. ConclusionLe Phare au Corbeau est une belle expérience ésotérique pour qui aime creuser les secrets du passé et accepte que le monde soit bien plus vaste que notre rationalité. C’est aussi et surtout une belle aventure humaine qui appelle une suite. L’autrice projette de l’écrire l’année prochaine. Autant dire que l’attente va être looongue ! Dana B. Chalys
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Dana B. Chalys, romancière de l'Imaginaire, créatrice des C2T.
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