On m’a souvent posé la question de savoir quand et pourquoi j’ai commencé à écrire. Si cette interrogation revient souvent, c’est parce qu’il y a généralement un déclic, au-delà du « j’ai toujours écrit » ou du « j’écris depuis que je sais tenir un stylo ». Certes, oui, toutes les personnes ayant appris à écrire le font depuis mais chez certaines, l’écriture va plus loin et se mue en une discipline, un exercice régulier composé de différentes étapes d’apprentissage et de maturation, jusqu’au premier roman, jusqu’à la première publication. Écrire pour oublier Il n’y a pas si longtemps, quand on me posait la question, je répondais par une anecdote du lycée. Or, en repassant le fil de ma vie dans ma tête, et en prenant du recul sur elle, j’ai fini par comprendre que ce qui m’a poussé à écrire, c’est l’envie d’oublier. Oublier ma souffrance, ma différence. Oublier les humiliations régulières d’une maîtresse de primaire qui ne voyait en moins qu’une petite grosse. Parce que j’étais grosse, j’étais forcément fainéante (c’est bien connu, on prend du poids parce qu’on ne fait rien de ses journées). Parce que j’étais grosse et fainéante, j’étais forcément stupide. En plus je parlais peu, je restais souvent seule à la récré, je faisais un rejet de l’école… bref, je n’étais pas comme les autres. J’avais huit ans, ça m’a ravagée. Je sais aussi d’expérience qu’un enfant de cet âge-là est parfaitement conscient de la déviance du comportement de certains adultes. Il a aussi très bien conscience que dans le monde parfait des « grands » qui ont vécu et donc « savent », sa parole n’a aucune valeur. Parce qu’un gamin « ça ne comprend pas ». Oublier l’indifférence, la honte. Dans ces moments-là, parce que notre parole ne compte pas, on ne parle pas. On range dans un tiroir les lignes de punition que la maîtresse nous a fait recopier, disant en substance : « Je devrais être moins feignante et travailler plus », et on oublie en serrant les dents jusqu’à ce que, devenue adulte, on ne se souvienne de rien. Puis un jour, à un moment où le soleil perce un peu les sombres nuages laissés par les cicatrices d’une adolescence toute aussi lancinante, l’adulte blessée retombe sur cette écriture d’enfant et se rappelle. J’ai tout brûlé. Tous mes cours, tous mes cahiers, toutes les photos de classe que j’avais… tout, sauf mes diplômes et quelques cours de la fac. Écrire pour s’enfuir Je l’ai dit, le début de l’adolescence n’a pas arrangé mon malaise, mon mal-être. J’étais spectatrice d’un monde qui ne me plaisait pas sans moyen de m’en échapper. Je voyais des gens souffrir, des vies se briser, des proches mourir. De 11 à 19 ans, j’ai fait le deuil d’un être cher tous les deux ans environ : 1999, 2000, 2003, 2005 puis 2007. Des décès survenus pour la plupart après de longues maladies et beaucoup de douleur. Des disparitions qui font prendre du recul au point de vous forger une image de la vie si éloignée de celle qu’en ont les autres que personne ne vous comprend. Je ne sais pas ce qui a été le déclic, mais un jour à 14 ans je me suis assise face à mon ordinateur, j’ai ouvert un document texte et j’ai commencé à écrire l’histoire de Sia, une fille de mon âge qui se sentait étrangère dans sa propre famille. Une fille qui ne se sentait pas comme les autres, qui voulait fuir la rengaine du quotidien, la douleur de son existence. Sia a fait ce que je rêvais secrètement de faire : elle a fugué. Puis son arrivée dans un pays étranger l’a projetée dans un monde surnaturel où sa différence était respectée. Cette histoire, c’est « L’alliance des êtres ». Même si je ne l’ai jamais terminée, je sais que Sia, après ses aventures, goûtera un repos bien mérité en Bolivie, dans la ville de Sorata. Écrire par amitiéAu lycée, j’ai eu des amis (du moins les considérais-je ainsi). L’une adorait les histoires de princesses et les films du Seigneur des anneaux, l’autre était un littéraire pur jus qui assumait son homosexualité et son look gothique. Un jour, la première a lancé un défi à la manière de celui si célèbre de la villa diodati : chacun devait écrire une histoire. J’avais abandonné Sia aux prémices de son périple depuis quelques mois alors j’ai décidé de partir sur autre chose. Après avoir visionné l’adaptation animée de "X : 1999" des Clamp, j’ai eu une idée de roman mettant en scène deux frères. Puisque j’adorais déjà les vampires, mes deux héros le sont naturellement devenus. Et c’est grâce au littéraire homo-goth et à l’une de ses annotations en marge que mon personnage Sorata est devenu pansexuel*. D’ailleurs c’est sans doute sous son influence qu’inconsciemment j’ai toujours au moins un personnage homosexuel dans mes romans. Ainsi, le temps a passé, on s’est perdus de vue mais je n’ai jamais cessé d’écrire. *Edit du 28/05/2020 Ci-dessous, la fameuse annotation qui date de 2005, il me semble. Écrire pour y croire encore L’écriture est devenue mon échappatoire et l’écrin de mes rêves. J’ai mis et je mets encore dans mes histoires tout ce que je trouve trop peu dans le monde réel. C’est pourquoi je déteste écrire des fins tristes ; j’en ai trop connu. J’ai vu dans ma famille trop de femmes battues, trop de personnes détruites par l’alcool ou les drogues dures, parfois même par le mensonge, la tromperie… Écrire dessus serait comme revivre ma jeunesse, alors je ne le fais pas, tant pis si je dois passer pour une autrice naïve voire niaise, sans profondeur. Je m’en fous. Ce que je veux, ce sont de beaux sentiments, de grandes valeurs, du courage, de l’amitié, de la détermination, de l’honnêteté… toutes ces choses qui nous manquent tant. Qui me manquent tant. Car au fond, si j’écris, c’est parce que j’ai toujours envie d’y croire. Dana B. Chalys
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Dana B. Chalys, romancière de l'Imaginaire, créatrice des C2T.
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